SOFIE VANGOR
Create Your First Project
Start adding your projects to your portfolio. Click on "Manage Projects" to get started
GEANT.E.S
Galerie
La Galerie Centrale
GEANT.E.S
Sofie Vangor - Tou.te.s des Géant.e.s
Sofie Vangor (Bruxelles, 1981)
Graveuse, peintre, danseuse mais aussi mère et femme engagée, Sofie Vangor revêt à la fois toutes ces peaux. Dans une société « trop étriquée, structurée et structurante »[1], elle tente de s’échapper et de sortir des "cases" qui lui sont implicitement assignées.
Artiste pluridisciplinaire, Sofie Vangor (Bruxelles, 1981) est diplômée en peinture monumentale et en gravure, disciplines qu’elle enseigne à l’Académie royale des Beaux-Arts de la Ville de Liège depuis 2010.
Dès ses débuts, Sofie Vangor investit son travail de manière instinctive et engagée. Dans un premier temps autobiographique, son œuvre incarne aujourd’hui un caractère universel en questionnant la complexité humaine : qui sommes-nous ?, d’où venons-nous ?, quel rôle endossons-nous ?, quels sont nos choix de vie ? Quelle qu’en soit la forme, son fil conducteur est l’individu et sa mémoire au corps. Son langage artistique mêle à la fois gravure, photographie, peinture, collage, poésie ou krump[2].
Cette recherche pluridisciplinaire amène l’artiste à essayer sans cesse de nouveaux médiums.
Depuis huit ans, le tatouage éphémère fait partie intégrante de sa pratique artistique. À ce medium, elle combine écriture, dessin et performance. L’idée d’exploiter l’empreinte sur la peau est née d’un évènement personnel : l’identification par son tatouage d’un proche décédé. Présent à travers de nombreuses performances depuis les années 2010, le tatouage s’impose dans son projet Je veux et j’exige (2018)[3]. Pas seulement un transfert sur la peau, le tatouage engendre une réelle relation de confiance entre l’artiste et le modèle et/ou son public.[4] Envisagé comme un projet participatif avant tout, Sofie Vangor laisse la parole à ses modèles qu’elle sélectionne méticuleusement pour leur vécu et leur résilience.
Imprimée sur leurs corps nus, le message initial [Je veux et j’exige] est personnalisé par les modèles eux-mêmes.
Marques de ralliement et d’appartenance ou signes caractéristiques, les tatouages créés par Sofie Vangor appellent également à la contestation. Dans la gomme ou le linoleum, la gouge creuse des mots ou des symboles qui bousculent les codes. Ne pas s’enfermer, ne pas rester dans des cases, le même mantra revient. La performance poétique ou la performance dansée devient alors une évidence pour compléter cette prise de parole qui murmurait dans l’encre et sur la peau de ces corps.
Peau de Géante 81 fait partie d’une série de silhouettes imprimées sur feutrine intitulée Géants, réalisées entre 2019 et 2020. Les Géants de Sofie Vangor ont été exposés à la Galerie Centrale (rue en Bois, Liège) en mars 2020, juste avant la crise sanitaire de la Covid-19. L’œuvre intègre les collections du musée des Beaux-Arts l’année suivante, en complément à la performance participative, Nous... cet autre, dirigée et créée à l’occasion de l’ouverture de la Triennale de Gravure de Liège (La Boverie, septembre 2021). Cette performance participative réunissant danse, poésie et tatouage proposait une réflexion sur la reproductibilité de l’image imprimée, la notion d’unique et de multiple, de visible et d’invisible.
Être un.e géant.e est une métaphore des difficultés que chacun rencontre et surpasse dans sa vie. « Le Géant doit reprendre le coté invisible de la vie que la société ne nous laisse pas apprivoiser et développer à l’heure actuelle », explique l’artiste. Inspirée depuis toujours par les femmes qui l’entourent et celle qu’elle est devenue, Sofie Vangor recourt souvent à l’image des femmes dans son travail. La peau de la géante présentée aux cimaises de La Boverie est celle d’une femme agenouillée, marquée par le tatouage éphémère symbolisant son histoire mais aussi sa résilience. Même éphémères, elle gardera les marques en mémoire. La grandeur d’esprit de cette femme rayonne paradoxalement à sa position de repli. La feutrine utilisée comme support d’impression évoque la peau souple et fragile. Ce corps imprimé et tatoué peut être suspendu, pendu, plié ou posé à même le sol.
Anticonformiste, généreuse, optimiste, Sofie Vangor - au gigantisme débordant - repousse les limites que l’on tente de lui imposer, qu’elles soient sociétales ou artistiques. L’artiste tente de désacraliser l’art et son accessibilité, elle transgresse les règles de la gravure traditionnelle et brasse avec enthousiasme les disciplines pour créer des œuvres symboliques, sensibles et puissantes.
Fanny Moens,
Conservatrice
Musée des Beaux-Arts de Liège – La Boverie
Légende : Sofie Vangor dans la performance Nous… cet autre, à La Boverie pendant la Triennale de Gravure de Liège, septembre 2021 © G. Micheels, Ville de Liège
[1] Reportage de F. Bonivert, Culture L, RTC, 05-03-2020 [en ligne : https://www.rtc.be/video/culture/culture-l-sofie-vangor_1504561_479.html]
[2] Historiquement, le krump est une danse née dans les années 2000, dans les quartiers populaires de Los Angeles. Ce style de danse, sur une rythmie hip-hop, développe des mouvements déstructurés et prône le dépassement de soi. Sofie Vangor utilise le krump dans plusieurs de ses performances en référence aux danses tribales, pour exhorter ses/nos combats intérieurs.
[3] Citons à titre d’exemples 90 jours à la Galerie Flux (2014), La pigeonne morte à la Fondation Roger Jacob (2016), Résilience, je suis ta digne héritière à la Galerie Antoine Risch-Fisch (2017), Epousemoi dans l’espace public place Saint-Etienne (2018), SVAVS au Centre culturel de Marchin (2018), Trouvons la sortie à Bozar (2019), Giants à la Galerie Centrale (2020), Moi..cet autre à la Boverie (2021).
[4] Céline Eloy, De la fugacité à la mémoire, le corps en question, avril 2018
Il semble exister une règle implicite et intériorisée selon laquelle il faudrait être « cohérent », une sorte d’exigence morale qui nous pousse à se conformer à des normes et des valeurs socioculturelles étriquées. En tant que femme, mère et artiste Sofie Vangor s’y retrouve souvent confrontée. Elle ne se laisse pas pour autant catégoriser, façonner et elle refuse d’être rangée dans une case. Non, elle ne jouera pas le rôle qui est attendu d’elle et surtout elle ne s’en justifiera pas.
Libre, curieuse, imprédictible, sauvage... Sofie Vangor repousse toute les limites que l’on tenterait de lui imposer ! Elle est l’auteur d’un art hybride, en perpétuel renouvellement, à l’image de sa dernière performance-installation qui allie peinture, photographie, image imprimée, tatouage éphémère et danse. Mais il ne s’agit pas là d’une errance hasardeuse, tous ces médiums sont interconnectés et s’emboîtent comme les pièces d’un puzzle.
Ainsi la peinture se retrouve conjointement sur les corps des performeurs et sur les murs de l’installation, composée de morceaux de corps découpés et tatoués. Ces tatouages – qui sont également apposés sur la peau des participants et du public – lui permettent de fédérer et rassembler les individus en générant un sentiment d’appartenance. Enfin, il y a la danse, qu’elle pratique depuis son plus jeune âge et qu’elle revisite ici par le biais du krump : un style brut, aux mouvements déstructurés, d’apparence agressif qui prône le dépassement de soi. C’est la « mémoire du corps », notion omniprésente dans le travail de l’artiste, qui est ici en jeu. Danser devient un acte spirituel à travers lequel elle tente de réunir le visible à l’invisible. Comme en transe, elle semble canaliser et extérioriser ses combats intérieurs tout en exhortant le public à faire de même.
Car si l’art de Vangor est fondamentalement autobiographique, les questions qu’il soulève sont universelle : qui es-tu ? D’où viens-tu ? Te sens-tu libre ? Quelle est ta marge de liberté ? Cette œuvre expose la complexité humaine, ses paradoxes et ses contradictions. Se faisant, elle nous invite avec véhémence à aller à la rencontre de soi, à se questionner. Plus largement, et d’une façon qui résonne particulièrement dans le climat médiatico-politique actuel, elle nous incite à embrasser les différences et à interroger les carcans qui nous définissent, nous rassurent et nous asservissent.
Alix Nyssen, Historienne de l’art, juin 2019.