SOFIE VANGOR
An indefatigable researcher, Sofie Vangor moves through life as she moves through art. With determination, dreaminess, questioning and curiosity. With a degree in monumental painting and a Master's in printmaking, as a teacher of painting and printmaking, as an artist, as a mother and as a woman, Sofie Vangor could be confined to one role or another. Yet it is difficult to maintain these separations at all times, given the extent to which life and art intersect, feed on and merge in Sofie Vangor's work. Indeed, her work accurately questions the boxes in which we are all imperceptibly enclosed. Boundaries become tenuous in the hands of the artist. To challenge them, to shake them, to bypass them and - perhaps above all - to get rid of them all the better. This play on the impermanence of borders has been present since the very beginnings of his work. It would be futile to attempt to associate a single medium with the artist. Although painting was her first training, engraving quickly became a parallel discipline. Each discipline provides him with sensations that nourish his thoughts and actions. The energetic, instinctive, almost savage gestures of painting are matched by the slower, more precise and concentrated gestures of engraving. Where one is an outlet, the other is more reflective. This particular relationship to gesturality undeniably leads the artist down the path of performance. The mediums blend together in expressive collages, and the works gradually emerge from the limited surface of paper or canvas to unfold and move in three-dimensional space.
Beyond the gestures themselves, the body is omnipresent in Sofie Vangor's work. It forms the backdrop to her work, and is incorporated into it in a variety of ways. As a basic material, when it provides the fragments (hair, felt and skin) that the artist uses in her installations and performances. As a receptacle, when it becomes the support for her ephemeral tattoos or body paintings. More than the initiator of a gesture and/or a singular medium, it reveals itself above all as a subject. Whether it's the body of a mother, a woman or a lover, it manifests itself through its outbursts, its fears and its uncertainties. Resilient, it questions memory and the history that constitutes it. What it becomes, how it resists and how it is transformed. Sofie Vangor's artistic practice is covered in different skins, both material and symbolic. Skins that change, transform, harden or not. Skins that clothe the artist in so many complementary ways, giving her work a "polymorphic" appearance. Multiple layers, sometimes engraved, embroidered, written, painted, performed, embodying in turn an existing body and a body in the making.
Although her work is peppered with autobiographical inspirations, Sofie Vangor transcends her personal experiences to make them universal, beyond any distinction of gender or experience. In a political act, the "I" becomes another through her contact. His words become yours, ours, a whole that links invisibly and builds a "being together". This transformation takes place firstly in the gradual intensification of artistic collaborations: Werner Moron, Mc Volauvent, Lisette Lombé, Patribe Kanyinda (krumpers) and students are all contributors who punctuate and shape his performative creations. It is then built on the relationship that the artist forges with the audience. Never left out, the audience enters into communication with the work. Initiating a kind of contemporary ritual, Sofie Vangor engages the spectator's body as she engages her own. Visibly when it is directly involved, for example by wearing her ephemeral creations. But also, invisibly, when she encourages them to move in a spontaneous choreography to better observe the work or when, making them feel uncomfortable, she instils doubt to lead them to feel it and, above all, experience it differently.
A boxer at heart, Sofie Vangor turns our certainties and habits upside down, the better to question the society in which we live. A subtle punch, like a dance in the ring, to reveal our dark and sometimes animal sides, but above all to invite us to enjoy life to the full.
Insatiable chercheuse, Sofie Vangor traverse la vie comme elle traverse l’art. Avec détermination, onirisme, questionnement et curiosité. Licenciée en peinture monumentale et détentrice d’un Master en gravure, professeure de peinture et de gravure, artiste, mère et femme, autant de catégories distinctes qui pourraient confiner Sofie Vangor dans un rôle déterminé ou un autre. Pourtant il est difficile de maintenir de manière constante ces séparations tant vie et art s’entrecroisent, s’alimentent et fusionnent chez elle. Son œuvre interroge d’ailleurs avec justesse les cases dans lesquelles nous sommes tous enfermés imperceptiblement. Les frontières deviennent alors ténues entre les mains de l’artiste. Pour les contester, les ébranler, les contourner et – peut-être surtout – pour mieux s’en défaire. Ce jeu sur l’impermanence des frontières s’installe dès les prémices de son travail. Il serait vain de tenter d’associer un seul et unique médium à l’artiste. Si la peinture constitue sa formation première, la gravure s’est rapidement immiscée en parallèle dans son parcours. Chaque discipline lui procure des sensations qui nourrissent ses pensées et actes. Aux gestes énergiques, instinctifs, presque sauvages de la peinture répondent ceux de la gravure, plus lents, précis et concentrés. Quand les uns sont exutoires, les autres se veulent plus réflexifs. Ce rapport particulier à la gestualité amène indéniablement l’artiste sur la voie de la performance. Les médiums se mêlent en des collages expressifs et les œuvres s’extirpent petit à petit de la surface restreinte du papier ou de la toile pour se déployer et se mouvoir dans l’espace tridimensionnel.
Au-delà de la gestuelle même, le corps est omniprésent chez Sofie Vangor. Toile de fond de son travail, il s’y insère sous différentes formes. Comme matériau de base, quand il livre des fragments (cheveux et poils, feutrines et peaux) que l’artiste emploie dans ses installations et performances. Comme réceptacle, quand il devient support de ses tatouages éphémères ou de ses peintures corporelles. Plus qu’initiateur d’un geste et/ou support singulier, il se révèle avant tout en tant que sujet. Qu’il soit corps de mère, de femme ou d’amante, il se manifeste à travers ses éclats, ses peurs et ses incertitudes. Résilient, il questionne la mémoire et l’histoire qui le constitue. Ce qu’il devient, comment il résiste et comment il se transforme.
Différentes peaux, matérielles et symboliques, recouvrent la pratique artistique de Sofie Vangor. Des peaux qui muent, se transforment, s’endurcissent ou non. Des peaux qui revêtent l’artiste d’autant de manières complémentaires, donnant à son œuvre une apparence « polymorphe ». Des couches multiples tantôt gravées, brodées, écrites, peintes, performées qui incarnent tour à tour un corps existant et en devenir.
Si son travail est parsemé d’inspirations autobiographiques, Sofie Vangor transcende ses expériences personnelles pour les rendre universelles, au-delà de toute distinction de genres ou de vécus. Dans un acte politique, le « je » devient un autre à son contact. Son propos devient le vôtre, le nôtre, un tout qui se lie invisiblement et construit un « être ensemble ». Cette mutation s’opère d’abord dans l’intensification progressive des collaborations artistiques : Werner Moron, Mc Volauvent, Lisette Lombé, Patribe Kanyinda (krumpers) et étudiants sont autant d’intervenants qui ponctuent et forgent ses créations performatives. Elle se construit ensuite dans le lien que l’artiste tisse avec le public. Jamais laissé de côté, ce dernier entre en communication avec l’œuvre. Initiant une sorte de rituel contemporain, Sofie Vangor engage le corps du spectateur comme elle engage son propre corps. De manière visible quand il est impliqué directement, en portant par exemple ses créations éphémères. Mais aussi, de manière invisible quand elle l’incite à se mouvoir dans une chorégraphie spontanée pour mieux observer l’œuvre ou quand, le mettant mal à l’aise, elle instille le doute pour l’amener à la ressentir et surtout la vivre différemment.
Boxeuse dans l’âme, Sofie Vangor chamboule nos certitudes et nos habitudes pour mieux interroger la société dans laquelle nous évoluons. Un coup de poing subtil, comme une danse sur le ring, pour révéler nos parts sombres et parfois animales mais surtout pour nous inviter à jouir pleinement de la vie.
Céline Eloy, 2023